CNRS rapport d'activité à mi-vague (période Décembre 2022 à Juin 2025)

CNRS rapport d'activité à mi-vague (période Décembre 2022 à Juin 2025)

Ce document synthétise mon activité de chercheur CNRS au sein de l'institut de Neurosciences de la Timone (UMR 7289) durant la période Décembre 2022 à Juin 2025. Ce rapport synthétise mes avancées en neurosciences computationnelles combinant expérimentation, modélisation et applications. Parmi les résultats clés : la découverte de neurones résilients à l'incertitude dans le cortex visuel (Nature Communications Biology, 2023), le développement d'algorithmes bio-inspirés pour des robots aériens (ANR AgileNeuRobot), et une théorie innovante du codage temporel neuronal (projet Polychronies). Ces travaux ont donné lieu dans cette période à 14 publications, 5 thèses encadrées, et des collaborations internationales, tout en s'inscrivant dans une démarche active de vulgarisation (The Conversation, Cerveau & Psycho). Il est écrit pour une évaluation à mi-vague par la section d’évaluation du CoNRS à l’automne 2025. À ce titre, il suit dans sa forme les recommandations de rédaction données par le comité.

Curriculum vitæ - Laurent Perrinet

Chercheur en neurosciences computationnelles (DR2 CNRS)

Institut de Neurosciences de la Timone UMR 7289, CNRS / Aix-Marseille Université 27, Bd. Jean Moulin, 13385 Marseille Cedex 5, France

🌐 Site web: https://laurentperrinet.github.io/ | ✉ Laurent.Perrinet@univ-amu.fr

Intérêts de recherche

Mes recherches examinent les bases théoriques et empiriques de l'adaptation neurale, en me concentrant sur la manière dont les propriétés structurelles et fonctionnelles co-évoluent pour traiter de manière optimale les régularités statistiques des environnements naturels.

Domaines de spécialisation

  • Inférence spatio-temporelle dans les aires sensorielles de bas niveau.

  • Apprentissage non supervisé dans les cartes topographiques.

  • Processus prédictifs et perception active.

Formation

Année Diplôme / Titre
2014 Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) – Aix-Marseille Université
1999-2003 Doctorat en neurosciences cognitives – ONERA/DTIM, Toulouse (France)
1993-1998 Diplôme d'ingénieurSupaéro (Toulouse, France)

Publications sélectionnées

Année Auteurs et titre Revue / Conférence
2024 Antoine Grimaldi, Laurent U Perrinet. "Learning heterogeneous delays in a layer of spiking neurons for fast motion detection." Biological Cybernetics
2023 Hugo Ladret, Nelson Cortes, Lamyae Ikan, Frédéric Chavane, Christian Casanova, Laurent U Perrinet. "Cortical recurrence supports resilience to sensory variance in the primary visual cortex." Nature Communications Biology
2021 Victor Boutin, Angelo Franciosini, Franck Ruffier, Frédéric Chavane, Laurent U Perrinet. "Sparse Deep Predictive Coding captures contour integration capabilities of the early visual system." PLoS Computational Biology
2020 Chloé Pasturel, Anna Montagnini, Laurent Perrinet. "Humans adapt their anticipatory eye movements to the volatility of visual motion properties." PLoS Computational Biology
2012 Karl Friston, Rick A. Adams, Laurent Perrinet, Michael Breakspear. "Perceptions as Hypotheses: Saccades as Experiments." Frontiers in Psychology
2012 Claudio Simoncini, Laurent Perrinet, Anna Montagnini, Pascal Mamassian, Guillaume Masson. "More is not always better: dissociation between perception and action." Nature Neuroscience
2010 Laurent Perrinet. "Role of homeostasis in learning sparse representations." Neural Computation
2004 Laurent Perrinet, Manuel Samuelides, Simon Thorpe. "Coding static natural images using spiking event times: do neurons cooperate?" IEEE Transactions on Neural Networks

Lien vers la version complète de mon curriculum vitæ (PDF).

Résumé de mon activité

Mon champ de recherche examine les caractéristiques des réseaux de neurones artificiels (RNA) appliqués à des modèles de la vision humaine ou animale. Cette recherche vise principalement à mieux comprendre le fonctionnement biologique des voies visuelles dans le système nerveux central, depuis la rétine jusqu'au contrôle du mouvement des yeux. De manière interdépendante, cette recherche permet de développer des méthodes d'apprentissage machine menant à des applications dans le domaine du traitement de l'image ou du signal. Sous cet angle, les RNA ont récemment connu un fort essor au travers de ce que l'on nomme de nos jours l'Intelligence Artificielle (IA) ou l'apprentissage profond. Contre toute attente, ces applications permettent de nos jours de rivaliser avec les performances cognitives humaines. Cette révolution s'accompagne d'un bouleversement sociétal majeur, tant sur la manière de vivre ou de travailler dans un monde de plus en plus numérisé, que sur les enjeux liés à l'impact de cette technologie dans un monde soumis au changement climatique.

Dans ce contexte, mes recherches explorent les fondements théoriques et empiriques de l'adaptation neurale, en m'intéressant à la manière dont les propriétés structurelles et fonctionnelles co-évoluent pour traiter de manière optimale les régularités statistiques des environnements naturels. Un premier axe de recherche expérimental, mené en collaboration avec des neurophysiologistes, étudie la réponse du système biologique à des stimulations visuelles informées par la modélisation. Plus précisément, nous pouvons contrôler la précision de l'information visuelle et sa représentation dans le substrat neural. Un deuxième axe applicatif utilise ces connaissances pour construire des algorithmes efficaces adaptés à des systèmes embarqués, comme des robots aériens. La contrainte matérielle nous incite à développer des algorithmes particulièrement peu énergivores. Un troisième axe théorique examine les conséquences de ces contraintes sur les modes de représentation possibles du code neural, en se concentrant notamment sur un codage temporel précis de l'information neurale.

En pratique, mon approche en tant que chercheur du CNRS est donc de contribuer aux avancées scientifiques sous forme de publications dans des revues scientifiques à comité de lecture (14 dans la période de référence, dont 2 en cours d'évaluation) ainsi que de les présenter aussi bien dans des conférences internationales (27 participations à des conférences personnellement ou de mes collaborateurs) que sur les médias traditionnels ou émergents comme les réseaux sociaux. Ce travail s'accompagne d'un effort de formation notamment auprès des étudiants de Master ou au niveau doctoral à travers la "NeuroSchool" à Marseille. Je me suis aussi engagé dans les responsabilités collectives en siégeant à la commission interdisciplinaire "Modélisation mathématique, informatique et physique pour les sciences du vivant" (CID51) durant le dernier mandat. Enfin, je participe activement au rayonnement de ces recherches à travers la vulgarisation (notamment dans "Science & Avenir", "Cerveau & Psycho", "Epsiloon" ou "The conversation"), la communication scientifique (écoles, prison, forums) et une collaboration artistique pérenne avec Etienne Rey, artiste plasticien à la Friche Belle de Mai à Marseille qui a récemment donné lieu à une exposition au musée Granet à Aix-en-Provence.

Rapport d’activité détaillé

Mon sujet de recherche porte sur la compréhension des réseaux de neurones biologiques qui sous-tendent nos capacités visuelles. En particulier, je considère que ces capacités reposent sur des aptitudes à la prédiction, acquises par des processus d'apprentissage sur des scènes comportementalement significatives, ici les scènes visuelles naturelles. Cette compréhension est abordée à travers des approches expérimentales, de modélisation, ainsi que de formalisation théorique. Cela implique donc des champs de recherche interdisciplinaires, allant de la neurophysiologie à l'apprentissage machine, regroupés sous le terme de neurosciences computationnelles. De plus, ces différents axes sont interdépendants et s'enrichissent mutuellement. Je vais donc d'abord me concentrer ici sur un rapport de l'activité menée dans ces trois axes avant de les synthétiser.

Axe expérimental

Le premier axe de mes activités de recherche a pour objectif de valider expérimentalement les algorithmes de modélisation et hypothèses théoriques concernant les processus prédictifs sous-tendant nos capacités cognitives. Une réalisation majeure de mes travaux a été d'introduire des classes de stimulation paramétrables, adaptables en fonction du modèle théorique, permettant de tester scientifiquement le rôle de différents paramètres informationnels dans les réseaux biologiques. Ceci représente un changement de paradigme par rapport aux études classiques en neurosciences de la vision, qui utilisent soit des stimulations simplifiées (points, lignes, ...), soit des scènes naturelles comme des vidéos. Bien que ces deux types de stimulations aient chacun leur efficacité, ils ne permettent pas de caractériser pleinement la réponse des systèmes biologiques. Les premières sont trop simplistes, tandis que les secondes ne permettent pas un contrôle effectif des différents paramètres. En pratique, j’ai développé une nouvelle classe de stimuli appelée les Motions Clouds (Paula Sanz Leon, Ivo Vanzetta, Guillaume S Masson, Laurent U Perrinet (2012). Motion Clouds: Model-based stimulus synthesis of natural-like random textures for the study of motion perception. Journal of Neurophysiology.) qui permettent notamment de tester les capacités de la vision à détecter des mouvements à différentes vitesses, orientations ou fréquences.

Pour examiner les processus prédictifs dans le système visuel, la thèse de Hugo Ladret s'est concentrée sur la capacité du cortex visuel primaire (V1) à représenter des informations de différentes précisions. Étant donné que V1 représente principalement des informations sur l’orientation locale des stimuli, nous avons manipulé la précision de l’orientation dans la stimulation visuelle. Grâce à une collaboration avec l’université de Montréal, nous avons développé un protocole expérimental en neurophysiologie qui a permis de tester la réponse à différents niveaux de précision. Notre étude a révélé deux populations neuronales distinctes dans V1 : l'une codant l'orientation avec une précision fine, l'autre exhibant une invariance à la précision — un mécanisme inédit impliquant des boucles récurrentes (Figure 1). Ces résultats, publiés dans la revue Nature Communications Biology (Hugo Ladret, Nelson Cortes, Lamyae Ikan, Frédéric Chavane, Christian Casanova, Laurent U Perrinet (2023). Cortical recurrence supports resilience to sensory variance in the primary visual cortex) remettent en cause les modèles classiques de traitement visuel et ouvrent des pistes pour des algorithmes robustes au bruit sensoriel. Ils ont en outre donné lieu à des actions de vulgarisation et des retombées médiatiques, comme un podcast.

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Figure 1 La variation du code des neurones de V1 face a une baisse de la précision dépend de leur position dans le cortex (a, b), un phénomène expliqué par une activité récurrente plus intense pour les neurones encodant l’incertitude.

Cette thématique est actuellement développée par un étudiant en thèse de doctorat, Alexandre Lainé, qui développe davantage le protocole développé par Hugo Ladret. Cette thèse est complétée par une collaboration avec Guillaume Masson de l’INT et Nicolas Priebe de l’université du Texas à Austin. Le modèle expérimental est appliqué au Marmouset qui présente l’avantage d’être lissencéphale et donc de permettre un accès à des aires corticales qui sont difficilement accessibles chez d'autres espèces. De plus, la technologie d’enregistrement est basée sur des "Neuropixels" qui permettent d’enregistrer de nombreuses cellules de façon concomitante. Dans cette étude, nous avons aussi étendu la gamme des paramètres et développé une nouvelle approche de décodage qui permet de donner plus d’explicabilité à l’analyse de nos données. Cette thèse a commencé en octobre 2024 et a déjà donné lieu à des présentations affichées en conférence (Alexandre Lainé, Sophie Denève, Nicholas J. Priebe, Guillaume S. Masson, Laurent U Perrinet (2025). Population decoding of visual motion direction in V1 marmoset monkey: effects of uncertainty. Annual Computational Neuroscience Meeting: CNS2025, Firenze, Italy) et un article est en cours de préparation.

Axe applicatif

Dans l’axe applicatif, nous avons élaboré des méthodes de traitement de l’image et des vidéos s'inspirant du fonctionnement du système visuel biologique. Plus précisément, durant la thèse de Victor Boutin, nous avons conçu des modèles hiérarchiques analogues à ceux rencontrés dans l’apprentissage profond, en y intégrant des caractéristiques essentielles des systèmes biologiques. Tout d'abord, nous avons implémenté une régularisation au niveau de l’apprentissage machine, afin de contrôler la parcimonie de l’activité neuronale. Il a été en effet démontré que dans une population neuronale, l’activité neurale n'active qu’un petit nombre de neurones à un instant donné. Une autre particularité est l'ajout d'interactions descendantes, c'est-à-dire d’aires corticales situées plus haut vers des aires corticales situées plus bas, ce qui permet d'intégrer une information contextuelle au traitement de l’information. Dans les nombreuses publications ayant suivi cette thèse, on peut notamment citer l’application de nos connaissances scientifiques sur la topographie de V1 (Frédéric Chavane, Laurent U Perrinet, James Rankin (2022). Revisiting Horizontal Connectivity Rules in V1: From like-to-like towards like-to-All. Brain Structure and Function) à un modèle intégré de cette aire corticale (Victor Boutin, Angelo Franciosini, Frédéric Chavane, Laurent U Perrinet (2022). Pooling in a predictive model of V1 explains functional and structural diversity across species. PLoS Computational Biology), permettant une meilleure compréhension du système biologique, mais aussi des applications computationnelles.

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Figure 2 : Un capteur événementiel similaire à une rétine biologique. Contrairement à une caméra classique à base de trames qui fournit une représentation d'image dense complète à des moments discrets et régulièrement espacés, la caméra à base d'événements fournit des événements avec une résolution de microseconde. Ceux-ci sont activés parcimonieusement car ils représentent des incréments ou des décréments de luminosité (événements ON et OFF, respectivement).

Grâce à une collaboration avec Stéphane Viollet de l’institut des sciences du mouvement de Marseille et Ryad Benosman à l’institut de la vision à Paris, et à l’obtention d’une bourse de l’agence nationale de la recherche (ANR) sous le titre AgileNeuRobot, et dont j'étais le porteur principal, nous avons pu étendre nos modèles du système visuel afin de pouvoir les appliquer à des systèmes embarqués dans lesquels les contraintes énergétiques sont strictes. Le but de ce projet est d’utiliser ces contraintes biologiques afin de créer des algorithmes de traitement rapide de l'information visuelle, et notamment de l’appliquer à des situations pratiques exigeantes, comme celle de traiter des vidéos tout en permettant une réponse en temps réel. En particulier, ce projet utilise des caméras événementielles similaires dans leur nature au fonctionnement de la rétine biologique (voir figure 2). Ce projet a permis de recruter un étudiant en thèse, Antoine Grimaldi, qui a développé différents algorithmes permettant le traitement en temps réel (Antoine Grimaldi, Victor Boutin, Sio-Hoi Ieng, Ryad Benosman, Laurent U Perrinet (2024). A Robust Event-Driven Approach to Always-on Object Recognition. Neural Networks), mais aussi l’apprentissage de réseaux de neurones basés sur des hypothèses de codage temporel précis de l'information (Antoine Grimaldi, Laurent U Perrinet (2023). Learning heterogeneous delays in a layer of spiking neurons for fast motion detection. Biological Cybernetics) et qui sont développés dans mon axe théorique (voir plus bas). Il faut aussi mentionner un autre travail résultant de ce projet qui a permis de créer un algorithme traitant en temps réel les informations provenant du capteur neuromorphique qui permet le calcul en temps réel de cartes de temps de contacts (Urbano Miguel Nunes, Laurent U Perrinet, Sio-Hoi Ieng (2023). Time-to-Contact Map by Joint Estimation of Up-to-Scale Inverse Depth and Global Motion using a Single Event Camera. International Conference on Computer Vision 2023 (ICCV2023)) une tâche difficile et essentielle afin de manœuvrer des robots aériens.

Ce même projet ANR a permis le développement d’un thème de recherche supplémentaire visant à optimiser le traitement de l’information visuelle en transformant l’entrée sensorielle. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés de la topographie de la rétine humaine, où l’acuité visuelle est plus élevée dans la fovéa, c’est-à-dire autour de la ligne de vision (voir Figure 3). Grâce au travail doctoral de Jean-Nicolas Jérémie, nous avons pu développer un paradigme introduisant ce principe de rétinotopie fovéée dans des algorithmes classiques d’apprentissage profond. Les résultats montrent que, malgré les distorsions et le nombre réduit de pixels à traiter, ces systèmes peuvent être réentraînés et démontrent également l’émergence de propriétés similaires à celles observées dans la vision biologique. En particulier, on observe une invariance à certaines transformations géométriques habituelles, comme les rotations ou le zoom, ainsi qu’une meilleure représentation de la localisation des objets, un point essentiel pour la construction de modèles d’attention visuelle et de mouvements oculaires. Cette thèse sera soutenue en octobre 2025, et le travail principal de cette thèse est actuellement en cours de révision pour une publication dans une revue à comité de lecture (Jean-Nicolas Jérémie, Emmanuel Daucé, Laurent U Perrinet (2025). Foveated retinotopy improves classification and localization in CNNs).

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Figure 3 : Fig. 1. Illustration du processus de projection d’une image en coordonnées cartésiennes vers un espace rétinotopique fovéalisé via une transformation log-polaire : le point de fixation (disque bleu) et la fovéa (cercle bleu) définissent une grille déformée où chaque pixel est recalculé selon son angle azimutal θ et son excentricité ρ = log(√x² + y²), entraînant une surreprésentation centrale et une compression périphérique (visible en D-I), avec une dépendance forte au point de fixation (décalage en C, F, I).

Axe théorique

Mon axe théorique principal repose sur l'utilisation des théories des processus prédictifs afin de mieux comprendre le système nerveux central, et notamment la vision, et de pouvoir créer des applications en traitement dynamique des images. Dans la période de référence de ce rapport d’activité, j’ai notamment développé les hypothèses autour de la représentation de cette information prédictive, et notamment de la représentation des probabilités sous-jacentes à ces processus. En premier lieu, ceci a été développé grâce au travail de thèse d’Hugo Ladret et son travail expérimental autour du rôle de la précision dans le codage neuronal. D’autre part, j'ai considéré de nouveaux types de représentation de l’information dans l’activité neuronale. En effet, il est souvent admis que la fréquence de décharge des neurones encode une information sous la forme d’une valeur analogique. Ce type d’information est utilisé dans les réseaux de neurones artificiels (comme dans ChatGPT pour citer un exemple réseau de neurone artificiel), les différentes couches neuronales correspondant à des opérations matricielles sur ces valeurs analogiques. En contraste avec cette approche classique, et en lien avec l’axe applicatif pour lequel nous avons utilisé des caméras événementielles, j’ai développé une formalisation de représentation de l’information sous forme de motifs spatio-temporels d’impulsions neuronales. Cette théorie est basée sur des travaux antérieurs introduisant la notion de polychronie, montrant que compte tenu des délais neuronaux existants dans une population de neurones, l’information pouvait être encodée par des motifs spatio-temporels dont les écarts temporels entre les impulsions sont finement réglés.

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Figure 4 : Mécanisme central de la détection de polychronie. (Gauche) Dans cet exemple, trois neurones présynaptiques dénommés b, c et d sont entièrement connectés à deux neurones post-synaptiques a et e, avec des délais différents de respectivement 1, 5 et 9 ms pour a et 8, 5 et 1 ms pour e. (Milieu) Si trois impulsions synchrones sont émises par les neurones présynaptiques, cela générera des potentiels post-synaptiques qui atteindront a et e de manière asynchrone en raison des délais hétérogènes, et ils pourraient ne pas être suffisants pour atteindre le seuil de membrane dans l'un ou l'autre des neurones post-synaptiques; par conséquent, aucune impulsion ne sera émise, car cela n'est pas suffisant pour atteindre le seuil de membrane du neurone post-synaptique. (Droite) Si les impulsions sont émises par les neurones présynaptiques de telle sorte que, en tenant compte des délais, elles atteignent le neurone post-synaptique a en même temps (ici, à t = 10 ms), les potentiels post-synaptiques évoqués par les trois neurones pré-synaptiques s'additionnent, provoquant le franchissement du seuil de tension et donc l'émission d'une impulsion de sortie (couleur rouge), tandis qu'aucune n'est émise par le neurone post-synaptique e.

Grâce à l’obtention d’une bourse par la fondation AMIDEX (aide du gouvernement français au titre de France 2030, dans le cadre de l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université, projet numéro AMX-21-RID-025), j’ai pu développer cette formalisation théorique dans le projet Polychronies (2022 / 2025). Ce projet a notamment permis de développer une collaboration pour écrire un article de revue sur cette hypothèse (Antoine Grimaldi, Amélie Gruel, Camille Besnainou, Jean-Nicolas Jérémie, Jean Martinet, Laurent U Perrinet (2022). Precise spiking motifs in neurobiological and neuromorphic data), mais aussi de développer différents algorithmes et approches théoriques afin de les appliquer aux traitements de données neuromorphiques (Antoine Grimaldi, Laurent U Perrinet (2023). Learning heterogeneous delays in a layer of spiking neurons for fast motion detection. Biological Cybernetics.), qui a notamment permis de démontrer un gain énergétique de l'ordre de 500 fois par rapport à une méthode analogique. Ces travaux ont aussi permis de montrer de façon théorique comment elles peuvent être supérieures à des méthodes classiques (Laurent U Perrinet (2023). Accurate Detection of Spiking Motifs by Learning Heterogeneous Delays of a Spiking Neural Network. ICANN Special Session on Recent Advances in Spiking Neural Networks*). Ces travaux nous permettent aujourd’hui d’ouvrir de nouvelles collaborations et d’étendre les capacités des réseaux de neurones. Notamment par rapport à des réseaux de neurones traditionnels, qui sont habituellement « en avant » (c’est à dire pour lesquels le graphe computationnel est acyclique), nous développons des réseaux récurrents dont les capacités représentatives sont bien supérieures.

Synthèse

En résumé, les trois axes de mes recherches présentés ici pourraient être envisagés individuellement, mais on observe qu'ils sont étroitement interconnectés. Cela nécessite donc une forte interdisciplinarité afin de maintenir une expertise dans chacun de ces domaines. À ce titre, mon intégration à l'institut de neurosciences de la Timone permet de bien couvrir la composante expérimentale, et j'ai pu, au fil des années, développer des collaborations pour les aspects de modélisation et de formalisation théorique. Nous avons récemment créé un centre de neurosciences computationnelles (CONECT) à l'INT, ce qui permet d'approfondir davantage ces collaborations interdisciplinaires. Une perspective est de développer cette approche grâce à des collaborations internationales, notamment à travers le centre AISSAI du CNRS.

Choix de productions scientifiques significatives

Je présente ici 5 productions scientifiques représentatives de l'interdisciplinarité de mon activité scientifique dans la période de référence et les raisons de ces choix :

  1. Hugo Ladret, Nelson Cortes, Lamyae Ikan, Frédéric Chavane, Christian Casanova, Laurent U Perrinet (2023). Cortical recurrence supports resilience to sensory variance in the primary visual cortex. Nature Communications Biology. https://hal.science/hal-04142490v1

Cette publication met en évidence la représentation neurale de la précision d'une information visuelle à travers la collaboration entre expérimentation, modélisation et théorie et a servi de base à l'approche de notre axe expérimental.

  1. Le mystère de la Joconde éclairé par les neurosciences Laurent U Perrinet , Hugo Ladret Cerveau & psycho. 2024, N° 168 (8), pp.30-36. https://hal.science/hal-04842606v1

Cet article de vulgarisation expose les travaux ci-dessus pour un large public et a pu ouvrir ces recherches à un large public, ce qui a donné lieu à d'autres retombées (articles, séminaires, podcast).

  1. Frédéric Chavane, Laurent U Perrinet, James Rankin (2022). Revisiting Horizontal Connectivity Rules in V1: From like-to-like towards like-to-All. Brain Structure and Function. https://hal.science/hal-03572602

Ce travail collaboratif passe en revue des modèles d'organisation topographique afin de proposer une nouvelle manière d'aborder cet important problème scientifique (Axe applicatif).

  1. Antoine Grimaldi, Amélie Gruel, Camille Besnainou, Jean-Nicolas Jérémie, Jean Martinet, Laurent U Perrinet (2022). Precise spiking motifs in neurobiological and neuromorphic data. https://hal.science/hal-03918338v1

À mon initiative, nous avons développé les fondements d'une théorie de codage basée sur le temps précis des potentiels d'action (Axe théorique).

  1. Antoine Grimaldi, Laurent U Perrinet (2023). Learning heterogeneous delays in a layer of spiking neurons for fast motion detection. Biological Cybernetics. Neural Networks. https://hal.science/hal-04204322v1

Cette publication est l'application des principes de codage temporel précis à l'estimation d'un flux optique, aussi bien pour des systèmes embarqués (en collaboration avec l'axe applicatif) que pour la compréhension du code neural (en lien avec l'axe expérimental).

Enseignement, formation et diffusion de la culture scientifique

Thèses dirigées et les post-doctorats encadrés

Participations à l’enseignement

J'enseigne auprès des étudiants de Master ou au niveau doctoral notamment à travers la "NeuroSchool" à Marseille ou l'institut NeuroMod:

Participation à l’organisation de conférences, workshops, congrès et rencontres « portes ouvertes »

  • Novembre 2024: co-oganisation de la conférence internationale "SNUFA: Spiking Neural networks as Universal Function Approximators" https://laurentperrinet.github.io/post/2024-11-08-snufa/

  • co-organisateur d'une série de conférences à venir "Neuro4AI" avec le Centre AISSAI (France) et IVADO (Québec).

Participation à des revues ou actions de vulgarisation

  1. Rencontre cinémas & sciences à l'école Air Bel Restitution film #nofakenews | école Air Bel | Polly Maggoo https://laurentperrinet.github.io/post/2025-09-23_belair-nofakenews/

  2. Le mystère de la Joconde éclairé par les neurosciences, Cerveau et Psycho https://laurentperrinet.github.io/post/2024-08-25-joconde/

  3. Chats, mouches, humains : comment la vision a évolué en de multiples facettes. Article de The Conversation. https://laurentperrinet.github.io/publication/perrinet-24-yeux/

  4. Rencontre cinémas & sciences à la prison des Baumettes Participation à Structure d’Accompagnement à la Sortie de la prison https://laurentperrinet.github.io/post/2024-05-23-lieux-fictifs/

  5. Publication d’un article écrit pour le catalogue de l’exposition “Vasarely, d’un art programmatique au numérique” qui a eu lieu du 17 juin au 15 octobre 2023 à l’Espace Culturel départemental Lympia de Nice. https://laurentperrinet.github.io/publication/perrinet-23-formes-et-perception/

  6. Participation au jury du RISC Rencontres Internationales Sciences Et Cinémas https://laurentperrinet.github.io/post/2023-12-16-risc/

  7. Participation à un article de dissémination pour le magazine en ligne Sciences & Avenir, écrit par Alice Carliez: Comment notre cerveau fait-il face à l’incertitude ? https://laurentperrinet.github.io/post/2023-07-26-epsiloon/

  8. Festival EXPLORE organisé par Aix Marseille Université et la DR12 du CNRS. https://laurentperrinet.github.io/talk/2025-06-10_explore-cine-sciences

  9. Conférence immersive : La vision, réalité ou perception ? https://laurentperrinet.github.io/talk/2025-06-12_explore-conference-immersive

Participations à des travaux d’expertise

  • Rôle de relecteur pour 31 articles dans des journaux internationaux à comité de relecture : Cell Reports, Nature Human Behaviour, Neuroscience and Biobehavioral Reviews, PLOS ONE, iScience, PLoS CB, PLoS Biology, Vision Research.

  • jury pour de nombreuses bourses internationales (Belgique, Pays-Bas, Australie, Canada, États-Unis).

Encadrement, animation et management de la recherche

  • Responsabilités dans l’animation de programme:

  • J'anime en tant que porteur de projet l'ANR AgileNeuRobot (ANR-20-CE23-0021) Robots aériens agiles bio-mimetiques pour le vol en conditions réelles pour le CES : CE23 - Intelligence Artificielle et en collaboration avec Stéphane Viollet (BioRobotique, Inst Sciences Mouvement), Ryad Benosman (Inst de la Vision ) pour un total de 435k€ https://laurentperrinet.github.io/grant/anr-anr/

  • Je suis porteur du projet Polychronies qui a bénéficié d’une aide de 100k€ du gouvernement français au titre de France 2030, dans le cadre de l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université – A*MIDEX, projet numero AMX-21-RID-025 " https://laurentperrinet.github.io/grant/polychronies/

  • Responsabilités et vos activités de direction d’équipe:

  • Je co-anime le Computational Neuroscience Center (CONECT) qui est un incubateur au sein de l'INT pour promouvoir la neuroscience théorique et computationnelle.

  • Responsabilités ou activités collectives au CNRS:

  • Je me suis aussi engagé dans les responsabilités collectives en siégeant à la commission interdisciplinaire "Modélisation mathématique, informatique et physique pour les sciences du vivant" (CID51) durant le dernier mandat.