Diffraction est une sculpture en suspension composée d’une multitude de plaques de matière transparente et réfléchissante. L’installation met en jeu notre perception de l’espace par des phénomènes de résonance et de réflection de la lumière. Chaque lieu d’exposition donne à expérimenter et à élaborer, in situ, de nouvelles formes. A Seconde Nature, Etienne Rey abordera la relation entre le volume et le son en prenant comme base de construction un spectre audio, en collaboration avec l’artiste sonore Mathias Delplanque.
Live de Mathias Delplanque et rencontre autour de Diffraction, le Mercredi 14 avril 2010: A l’occasion de cette rencontre publique, quatre chercheurs spécialistes de l’architecture, de la perception, du son, et de la lumière exposeront depuis leurs domaines de recherches les processus engagés autour de Diffraction.`
Farid Ameziane, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Luminy (EAML), Directeur de l’InsARTis, Marseille
Guillaume Bonello, Chargé de mission, POPsud, co/OAMP, Marseille
Fabrice Mortessagne, Directeur du laboratoire de Physique de la Matière Condensée (LPMC), Nice-Sophia Antipolis
Laurent Perrinet, Chercheur à l’Institut de Neurosciences Cognitives de Méditerranée, Equipe DyVA, Marseille
Qu’est-ce que voir? En perception, les neurones « parlent » tous
en même temps par de brèves impulsions électrochimiques, générant un
mélange de signaux, un bruit. Pourtant c’est par eux que nous
pensons, voyons, sentons. Les ordinateurs sont différents, plus
rapides. Ils sont construits avec pour modèle la grammaire humaine
autour d’une unité centrale, car on imaginait la cognition sous cet
angle à leur invention. Le bit est le quantum d’un algorithme
mécanique (thèse de Church-Turing). Une théorie tranche par
rapport à la précédente, proposée par «von Neumann» : beaucoup
d’unités sont présentes dans le cerveau. Comparée à la chaîne
logique du langage, dans cet algorithme, beaucoup d’autres chaînes
et logiques se mêlent. Comment vont-elles « parler » entre elles ?
Existe-t-il des algorithmes biologiques ?
Définir ce « langage », c’est comprendre comment une somme
d’informations locales peut produire une perception globale.
Comment en jouant avec les atomes du code, en les superposant, les «
cassant » pour les mettre en résonance, les neurosciences et l’artiste
questionnent le langage de notre pensée ? Quel est le code utilisé par
les neurones pour communiquer (code neuronal ? existe-t-il un même
vocabulaire au sens homomorphique ?). En pratique, on apprend par
exemple la sélectivité à l’orientation. Les phénomènes d’orientation
sont radicaux à la fin de l’expérience, « gelant » son évolution. Un
lien évident avec l’installation Phytosphère d’Etienne Rey.
L’information dans le cerveau se propage par diffusion, par
diffraction (contamination des informations entre neurones pour
occuper l’espace), en lien avec le travail sur la lumière d’Etienne
Rey. L’image a besoin de 30 millisecondes pour se diffuser de l’œil
vers l’arrière du crâne et 85 millisecondes pour produire un réflexe
oculaire. Les neurosciences cherchent à savoir comment comprendre la
globalité par l’émergence.
Il y a donc une superposition d’états, comme dans la diffraction
d’Etienne Rey.
En perception, le mécanisme
neuronal cherche à sortir de l’ambiguïté première quand il connaît
une image : il superpose des particules élémentaires d’information,
les diffuse pour les prendre toutes. Ce qui émerge est non linéaire. Le
cerveau interfère ces particules, donc les met en compétition, en
coopération (voir expérience plus haut avec les neurones rouges et
bleus), dans une dynamique où ces particules se réorientent elles-mêmes.
Elles créent des phénomènes d’organisation, se collent, deviennent plus
lumineuses. La perception n’est donc pas séquentielle mais fluide et
la sortie de l’ambiguité depuis l’image pixel vient de l’introduction de
ces contraintes. Ainsi quand nous voyons un objet, nous le « capturons
». Quand nous sommes vus, nous cherchons à nous séparer de cette
capture.
Un problème classique est l’ambiguité du monde sensible. Une couleur que
l’on ne voit pas va apparaître visuellement. L’inpainting créé une
œuvre qui correspond à un mécanisme neuronal, cherchant à reproduire
toujours une même structure. La mémoire iconique du monde extérieur va
imprégner le cerveau, s’y figer. Tout le problème de la perception pour
les neurosciences repose sur deux dialectiques. La première présente une
analogie avec les images informatiques par pixels : ce serait en
neurosciences une métaphore de la sensation pure. La seconde rappelle
l’image vectorisée : pour s’extraire de la sensation pure, le cerveau
retiendra des règles proches des algorithmes. En cognition, il permet de
mettre en lumière le symptome d**‘autisme**. Dans un schéma montrant un
bloc derrière un arbre, dépassant des deux côtés, sera découpé
visuellement par l’autiste en plusieurs morceaux distincts. Il ne
généralise pas l’information.
Comment être sûr d’une perception globale
en désignant les modules de l’installation d’Etienne Rey, ou signifiants
des atomes, dans ce passage du local au global ? Les modules ne se
voient pas forcément dans l’installation, mais d’autres aspects sont
perçus. La relation à l’atome, même si elle n’est pas signifiante pour
le public, n’est pas primordiale. Le public voit une accumulation de «
choses », car par principe quand un phénomène est concentré « il se
passe des choses » par jeu de contraste. Le fait de bouger face à
l’installation rend unique à l’individu la perception et réalise la
globalité de l’œuvre: on a alors passage de l’atome à la forme globale.
Cette résolution rejoint Giotto et les débuts de la perspective en art
pictural. Il a révélé la question du point de vue, par positionnement et
déplacement. En effet, les personnes penchent la tête dans
l’installation spirale en container, d’Etienne Rey, pour le festival
Ozosphère à Strasbourg. Ce phénomène est à rattaché aux théories sur la
perception.
Biographie Laurent Perrinet, chercheur à l’Institut de Neurosciences
Cognitives de la Méditerranée à Marseille, unité mixte du CNRS, aime
citer « La vie de Brian » des Monty Python : (Brian:) “You have to work
it out for yourselves!” (Crowd:) “Yes, we have to work it out for
ourselves… (silence) Tell us more!”. L’individualité et la perception
du monde… Dans l’équipe DyVA (pour Dynamique de la perception visuelle
et de l’action), Laurent Perrinet s’intéresse aux neurones impulsionnels
et au codage neuronal, ainsi qu’à la perception des mouvements
spatio-temporels. Ces processus définis comme des algorithmes, la
représentation du flux vidéo modélise via l’informatique ces
interactions au niveau cellulaire (colonnes corticales) et au niveau
cognitif (aires corticales). Il cherche à comprendre le fonctionnement
des calculs corticaux dans le système visuel. Cette recherche fournit
des réponses aux problèmes cognitifs. Après un diplôme d’ingénieur de
traitement du signal et de modélisation stochastique de l’école
d’aéronautique Supaéro à Toulouse et des études à San Diego et à
Pasadena (Californie) pour la Nasa, Laurent Perrinet obtient un doctorat
de Sciences Cognitives. Répondant aux questions « Peut-on parler
d’intelligence mécanique ? », « Pourquoi une grenouille gobe mieux une
mouche qu’un robot ? » ou « Quelle est la différence entre intelligence
et algorithme ? », il intervient en 2009 au colloque marseillais « Les
chemins de l’intelligence ». Parmi ses publications : Role of
homeostasis in learning sparse representations, et sa thèse Comment
déchiffrer le code impulsionnel de la vision ? Étude du flux parallèle,
asynchrone et épars dans le traitement visuel ultra-rapide